Lettres du Docteur Lamote

Lettre N°10

Eugène écrit :

 

Leverville, 19-11-1936

 

Nous sommes depuis deux jours à Leverville : le siège des Huileries du Congo Belge (H.C.B, Lever et Cie). Une trentaine d’agents de la compagnie

habitent ici et aussi un médecin, le docteur Clemen.

Un bel hôpital, un luxe inouï pour nous qui venons de passer 6 mois en brousse. Nous sommes logés dans une maison équipée d’une baignoire, d’eau courante, d’électricité, le frigo est encore en construction.

Le médecin a examiné Gaby et nous a rassurés. Tout est pour le mieux et il prévoit l’accouchement avant le 15.

C’est lundi que nous avons entrepris le long voyage de Kanza à Leverville, 150 km avec la camionnette du Dr. Pavese, mon chef.

Sur notre trajet, à 35 km de Kanza, un maison nous attend : sols cimentés, 5 pièces, spacieuse, aérée, vraiment très jolie, avec un jardin et quelques arbres fruitiers. Gaby est ravie et c’est là que nous irons après l’heureux événement.

Malheureusement cette maison se situe à 35 km hors de notre Cercle, ce qui fait qu’il me sera impossible de regagner chaque fois la maison tant que je ne disposerai pas d’une voiture. Cette voiture a basculé dans la rivière et est restée 4 jours dans l’eau. Actuellement elle est en réparation dans un garage à Kikwit.

Nous sommes poursuivis par la malchance. La meilleure, c’est que j’ai un chauffeur (sans auto) depuis un mois et demi.

 

Sinon tout va très bien !

 

 

Les péripéties du chasseur malchanceux.

Il y a quelques jours, je poursuivais un bel oiseau, une sorte de pigeon. Je me promenais dans les hautes herbes de la brousse quand tout à coup, il s’envole d’entre mes pieds et se pose une vingtaine de mètres plus loin. Je m’approche, cherche, rien ! Ne pas

abandonner, enfin, j’aperçois une forme blanche marquée d’un point noir tapie dans l’herbe. Je vois sa queue. Il est immobile, à quatre mètres à peine. Pan ! Un tas de plumes volent en l’air ! Wapi ! J’avais tiré sur un tas de feuilles mortes et l’oiseau s’est envolé sans se presser pour se poser une dizaine de mètres plus loin. J’étais vraiment désespéré. Pour ne pas revenir bredouille, j’ai cueilli quelques fleurs dans la brousse.