Lettres du Docteur Lamote |
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Lettre N° 11 | Lettre N°12 | |
Eugène dessine ce croquis :
Mudriki, (décembre 1936 ?) dans ce village, surtout qu’il y a beaucoup de pigeons. Le soir, Gaby et moi faisons une petite promenade. Le petit boy suit et
porte le fusil. Il y a de nouveau du changement à la Foréami, notre champ d’action s’étend
entre la Lukula et l’Inzia, les limites de notre Cercle sont visibles
sur la carte. On nous a promis de construire une maison à l’endroit marqué d’une
croix. Vaine promesse ? Jusqu’à présent nous trimballons encore toujours toutes nos malles.
Elles sont toutes rassemblées dans le sombolo et Gaby ne peut pas
s’en passer car son plus grand plaisir consiste à les déballer et à
les remballer. En signe de protestation contre la Foréami, elle refuse dorénavant de
collaborer avec la Foréami, et je lui donne raison. Vendredi, je me suis rendu à l’endroit où sera construite notre maison.
Les éléphants y étaient passés le matin même. C’est un des rares
endroits dans le Kwango où ils sont aussi nombreux, avec beaucoup
d’antilopes et d’autres gibiers. Je ne suis pas encore un chasseur
acharné, mais ce fusil pourrit considérablement ma vie. Je ne peux
plus voir une perdrix sans que mon cœur s’emballe et que mes jambes
flageolent. Sinon, c’est très ennuyeux ici : du recensement et des visites de
villages. Les travaux d’écriture ont diminué. J’ai plus de temps à consacrer à Jantje. Il prend de plus en plus de
place et commence à s’imposer. A propos, notre bonhomme est élevé
au « KLIM », du lait en poudre suisse. Le soleil tropical a
tari les sources depuis plusieurs mois.
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Eugène écrit : Kimkimbi, 26-01-37 Jantje a eu sa première forte poussée de fièvre, 40 C°, la malaria, mais
c’est déjà passé. Ce fut l’occasion de le gâter et il voudrait
que ça dure. Bref, il acquiert petit à petit plus de « mahele »
(=raison, intelligence). Il pèse 5,5 kg , yeux bleus, cheveux comme son papa, et, comme son papa,
une fossette dans le menton. Il est très violent. Nous logeons dans une habitation de la mission indigène. Nous avons un nouveau chef hiérarchique, les consignes sont modifiées,
nous sommes contraints de recopier les listes, écrire, écrire
quotidiennement. Comme vous l’avez déjà appris, nous « avons » une nouvelle
voiture, qui a séjourné pendant 10 jours dans l’eau. Les ferrados
sont complètement grillés et il faut compter deux mois avant qu’elle
ne roule à nouveau. Pour l’instant, nous restons ici, pour autant que les R. Pères de la
mission nous tolèrent. Nos malles nous suivent ! Puis, nous irons à Kumbi, où nous attend une maison vide, mais nous
n’avons pas encore reçu l’autorisation de l’occuper. Le moindre litige avec un autre Blanc se règle ici par la voie
administrative (sur papier). La Foréami est aussi une bouffeuse de papier. Les infirmiers me relayent, car selon le dicton : « Ce que
peut faire le Noir, le Blanc doit s’en abstenir à cause de l’éventuelle
perte de temps ». J’ai un clerc pour les comptes. Mon plus grand souci, c’est de ne pas
recevoir trop de lettres qui pourraient alimenter mon dossier. Petit à petit, on devient colonial, et j’estime que dans six mois,
j’aurai ramené le nombre de conneries qui me sont imputées à un
niveau très bas. On n’acquiert pas cette mentalité en un jour. Et la chasse ! Hier j’ai abattu mon deuxième singe. Non pas que je sois devenu un
professionnel, je suis encore beaucoup trop nerveux. Mais malgré tout, le fusil reste ma consolation dans les moments de désespoir.
J’enfile mes bottes, et ma chemise kaki, le casque enfoncé jusqu’aux
oreilles, et je m’engage dans la forêt. D’habitude je reviens pamba (bredouille), et je suis heureux de ne pas
avoir tiré sur quelque chose que j’aurais probablement raté. Le jour
le plus heureux a été mon record de sept pigeons. Mais ces derniers
temps, la chasse est passée au second plan, faisant place à l’étude. Tout va bien, nous mangeons à notre faim, et quand le ravitaillement tarde
à venir (comme maintenant), nous adoptons la nourriture indigène. Il y a cinq jours nous avons abattu un cochon de 50 kg (que nous payerons
avec ma garde-robe de vêtements dépareillés) et pour demain, une chèvre
subira le même sort. La météo. Temps froid, pluvieux, vents variables, brouillard. Nous sommes en pleine
saison des pluies. Chaque jour un sérieux orage. Il y a trois jours la
foudre est tombée à 50 mètres d’ici. Parfois, il fait une chaleur
étouffante et puis un froid insupportable (18°C). Gaby relate à son tour la forte fièvre de Jantje et son inquiétude, et
rappelle que tous les trois doivent prendre leur quinine quotidienne.
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