Lettres du Docteur Lamote

Lettre N° 8

 

Eugène écrit :

 

Mushini ou Mokamo, non daté.

 

Nous allons de mieux en mieux. Depuis 5 jours nous n’avons mangé rien d’autre que des légumes frais et des steaks. D’abord une cuisse d’une grande antilope, de la taille d’un jambon de porc et qui nous a coûté 5 Fr. Ensuite une antilope de la taille d’une chèvre, abattue par notre boy avec notre propre fusil.

Il faut savoir que dimanche nous avons racheté, à des gens qui sont en partance pour l’Europe, un fusil de chasse à deux coups et une machine à coudre, comme neufs, le tout pour mille Fr. J’ai déjà  été à la chasse : deux coups pamba et un pigeon à la chair plutôt coriace.

 

La région est très giboyeuse : perdrix, antilopes, buffles, même des éléphants.

Nous avons bientôt atteint l’extrême nord de notre Cercle, à 4 heures de Mushuni, là où les rivières Gobari et Inzia confluent.

C’est une terre plate au premier abord, mais sillonnée çà et là par des vallées profondes au fond desquelles coulent un petit ruisseau. Pendant des heures, on ne voit qu’une immense plaine herbeuse sans un seul arbre.

 

A Mokamo habitent deux couples de Blancs, dont un est Flamand. La dame est originaire d’Assebroek. D’ailleurs les Flamands sont nombreux au Kwango. Mais les distances restent importantes en tipoy.

Le médecin qui est mon Chef, loge ici pour le moment. Il nous a promis une auto. Pour ce qui est de la maison, c’est l’incertitude

 

J’écris vite un petit mot pour qu’il puisse le poster.

 

La malle n’est toujours pas arrivée. Que de larmes sont déjà versées !

 

Aujourd’hui nous poursuivons notre route vers Manye, vers le Nord. J’imagine que si nous continuons toujours plus au Nord dans nos tipoys, nous finirions par nous retrouver au bord de la Méditerranée.

Nous sommes devenus des gens du voyage, mais pour Gaby, ça devient de plus en plus pénible de se déplacer à trois.

A quand l’heureux évènement ? Le médecin nous le dira quand tout sera terminé.

 

A ce moment-là, nous serons à Jassa. Nous avons demandé au médecin qui est actuellement ici, chez nous, d’assister. C’est un Italien prévenant et très charmant. Pour le moment il est encore au lit. Vous pensez bien qu’on profite de l’aurore pour écrire notre correspondance.

 

 

Gaby ajoute :

 

Je me sens beaucoup mieux malgré que je reste préoccupée par cette malle qui n’arrive pas.

 

Eugène fait des cauchemars où il se bat contre des buffles et des éléphants. Plus moyen de le retenir, dès le matin, il s’en va avec son fusil sur l’épaule, pour ramener un petit pigeon le soir venu.