Lettres du Docteur Lamote

Lettre N° 9

Gaby écrit :

 

Kanza, dimanche 27-09-36

 

Nous sommes arrivés à Kanza mercredi passé, où nous disposons, faute de mieux, d’un dispensaire de construction récente, pour que je puisse me reposer des trajets en tipoy devenus vraiment trop pénibles.

 

Notre résidence comporte deux grandes pièces, les murs sont en potopoto (torchis), une porte, des fenêtres en claire-voie, (les vitres n’existent pas ici).

Nous avons une armoire et deux bonnes tables.

Tout autour, une grande barza.

Nous nous sommes permis de percer une deuxième porte vers l’arrière, ce qui nous a valu une lettre de l’Administrateur nous signifiant qu’aucune transformation n’était tolérée sans sa permission !!!

 

Demain nous badigeonnons les murs avec de la chaux colorée et couvrons le sol avec des nattes indigènes. Comme cela, ce sera habitable.

 

Quant à la malle, chère maman, elle ne nous est toujours pas parvenue ici à Bulungu.

 

Sinon, tout va bien, mon futur bébé remue beaucoup et ses coups de pied me fatiguent.

 

 

Eugène est obsédé par la chasse. Dès que passe un pigeon, il se précipite sur son fusil. Dommage qu’il en rate autant. Pour le moment, il est de nouveau en chasse.

 

Hier soir, vers 9 heures, le boy est venu frapper à notre porte : « Docteur, on

vous amène une femme qui a accouché d’un bébé ce midi, néanmoins, il en reste encore un dans son ventre qui ne veut pas sortir. Elle vient de Kuaja, à trois heures d’ici ».

Nous étions stupéfaits car selon leurs coutumes aucun Blanc (excepté le médecin) ne peut assister à la naissance d’un enfant.

Ce devait donc être grave. Nous la dirigeâmes vers le sombolo où nous la rejoignîmes. Nous vîmes le premier bébé dont le cordon ombilical n’avait pas encore été sectionné. Ce qu’Eugène fit d’abord ! Puis il examina la femme, et en effet, il y avait un deuxième enfant que la femme ne pouvait mettre au monde tellement elle était à bout de forces. Les nouveaux-nés n’avaient pas sept mois. Tandis qu’Eugène assistait à la mise au monde du deuxième bébé, je lavai le premier et le baptisai. Nous fîmes de même avec le deuxième car il y a peu de chance qu’ils survivent. Ils étaient si petits et dire que cette femme venait de marcher pendant trois heures pour arriver jusqu’ici.

 

 

On attend notre voiture pour un de ces jours, notre chauffeur est déjà arrivé. Eugène pourra regagner chaque soir notre maison.